Le conseil des 100 clochers
Projet d'installation utopique pour la ville de Rouen
/// Credits
Réalisation: Balthazar Auxietre
Environnement 3d: Fabrice Gaston
Modelisation 3d: Guillaume Bertinet
Victor Hugo: Gérard Chevalier
Texte: Benjamin Girard
Réalisé avec le soutien de Enodo
/// Infos
« Amis! c'est donc Rouen, la ville aux vieilles rues,
Aux vieilles tours, débris des races disparues,
La ville aux cent clochers carillonnant dans l'air… »
Victor Hugo
Chaque cité a une âme et une légende que l'histoire a forgée. Ainsi, Rouen est encore souvent appelée "La ville aux cent clochers", notamment depuis Victor Hugo, qui dans son poème « Les feuilles d’automne » a nommé ainsi la ville sans même y avoir mis les pieds. Voici une ville qui a donc su faire rêver…
Quand on s’y promène, la voici qui semble encore « transpirer » les couches successives de l’histoire depuis son centre médiéval jusqu’à son agglomération actuelle tout en restant parfaitement mystérieuse et muette.
Ses pics sombres, élancés vers le ciel doivent aujourd’hui toujours hanter Hugo dans sa tombe et désorientent encore le visiteur effectivement étonné par la profusion d’églises, de chapelles et par la présence de sa majestueuse cathédrale. Même si il n’en existe pas réellement 100 aujourd’hui, les clochers de Rouen paraissent au nouveau venu, innombrables et lui font décrocher la tête pour regarder en direction du ciel tout autour de lui
Mais à quel point cette légende est-elle proche de la réalité ?
Rouen a vu construire entre ses murs près de 150 églises (elle comptait tout de même 36 paroisses (intramuros et 27 couvents à la veille de la révolution) et elle possède encore aujourd'hui nombre d’entre elles, malgré la révolution, les bombardements de 1944 et les différentes évolutions urbaines.
La formule de Victor Hugo n’est donc pas si exagérée et même si la pluparts ont aujourd’hui disparu, le fait est qu’on puisse n’en dénombrer qu’un peu plus d’une vingtaine de « vivantes », si tant est qu’on puisse les nommer ainsi, car elles semblent souvent figées dans le temps et enfermées par le reste du tissu urbain. Notre projet est de les rendre plus vivantes et visibles que jamais en faisant de ces 100 Clochers le véritable emblème de la ville.
Le projet :
Nous voulons nous appuyer sur cette fameuse légende des 100 Clochers et la matérialiser sous la forme de gigantesques colonnes de lumière qui signaleront les clochers des églises de la ville.
Il s’agit d’un appel à convoquer la mémoire de la ville en invoquant le spectre des églises détruites et celles qui ont disparues aux grés des constructions et des déconstructions. Elles illumineront chaque soir le ciel de Rouen et le début de l'illumination sera marqué par une grande sonnerie de la cathédrale.
Cette immense installation lumineuse sera active quotidiennement et évoluera constamment au fil de l’année pour proposer à la fois aux habitants de la cité une animation constante et un regard nouveau sur leur ville.
Ainsi, nous aimerions proposer de donner les clés de cette installation aux Rouennais et leur donner les clés de la ville en constituant « le conseil des 100 Clochers » : A chaque clocher sera attribué une « clé » pour activer la lumière, et chaque clé sera confiée à un « gardien de clocher » qui sera responsable du clocher et de l’installation pour la rendre visible aux habitant le soir correspondant : chaque clocher sera illuminé 3 ou 4 jours consécutifs et chacun d’eux réparti dans la ville sera illuminé successivement du plus vieux a plus récent.
Cette animation fonctionnera sur la base du volontariat et sur la participation active des Rouennais et sera ainsi une manière symbolique de donner un certain pouvoir au peuple de la ville en donnant la possibilité à n’importe quel citoyen volontaire de proposer ses services comme « gardien ». Il pourra être à la fois le garant d’un bien de la ville mais surtout d’une partie de sa mémoire.
Dans ce travail de reconquête de la mémoire nous avons choisi le soir du 18 avril, comme point culminant de l’installation et afin d’achever cette commémoration du passé dans une orgie de lumière !
Cette date qui hante encore nombre de Rouennais correspond au jour où une partie de la ville est détruite durant la nuit dramatique du 18 avril 1944 et où la cathédrale a notamment failli s’effondrer à la suite de bombardements par les alliés.
Ce soir en particulier, tous les gardiens de Clochers activeront leur clocher pour que les 100 (disparus ou existants) lancent leur lumière qui sera visible toute la nuit dans le ciel. En plus de la cloche de la cathédrale, toutes les églises présentes dans la ville se répondront d'un quartier à l'autre pour rappeler leurs homologues disparues. Afin de rendre ce concert encore plus musical, le Carillon de la cathédrale sera restauré et un morceau sera original composé à cette occasion.
Ces lumières rappelleront aussi par leur présence les canons à lumière qui traversaient le ciel à l’approche des bombardements. Mais plutôt qu’une évocation frontale de la guerre qui serait inquiétante pour les spectateurs, notre volonté est de rappeler les souvenirs douloureux des clochers disparus en une vision poétique et aérienne. En réponse au fracas des bombes, les cloches des églises répandront dans le ciel leurs échos. En faisant des multiples cloches une sorte de cri expiatoire qui réveille la ville et son passé tumultueux, Le son de l’installation pourra donc aussi agir comme un rappel de la libération : de ces bonheurs mais aussi de ses douleurs car Rouen en étant libérée par les alliés, a aussi été en partie sacrifiée.
Ce projet n’a aucune vocation religieuse mais comme ces lumières sont l’émanation de lieux qui prêchent le pardon et la paix, elles portent en elles une fonction salvatrice. Il ne s’agit pas non plus d’apporter une réponse politique à quelqu’idéologie que ce soit, encore moins à tenter de moraliser la guerre, mais il se veut une invitation à convoquer ce qui fait la mémoire collective de nos peuples et de nos territoires.
Par ailleurs, une investigation historique précise pourrait être menée pour permettre aux spectateurs présents sur place près de la source de lumière de bénéficier d’une fiche explicative ou d’un panneau installé pour expliquer à la fois la présence de la manifestation et l’histoire réelle de l’église disparue ou existante à laquelle la lumière est associée.
Les clochers de la ville se réveillent donc chaque soir afin de rappeler ce qui a fait les plus belles pages de l’histoire de la ville, ce qui l'a façonnée et qui fait ce qu'elle est aujourd'hui mais aussi par cette occasion, fait remonter à la surface les blessures enfouies dans ses entrailles.
L’installation veut faire communier la ville et ses habitants et la rendre visible notamment de loin, voire de très loin, pour faire de Rouen la nuit un gigantesque phare dans la nuit.
Enfin, à travers l'évocation de ces clochers qui montent vers le ciel, nous voulons aussi rendre hommage à l'élan premier qui a porté leurs constructeurs, qui, en les édifiant, ont marqué ainsi leur volonté d’élever ces clochers jusqu’aux cieux.
Chaque soir à la tombée de la nuit, tous les regards se tourneront vers le ciel pour faire un pont entre le passé et le futur de la ville, entre la mémoire et le rêve de ses habitants.
Note concernant la présentation visuelle du projet :
Nous voulons insister sur ce pont entre le passé et le futur qui est l’enjeu du projet en utilisant une technologie moderne mais en s’inspirant de techniques graphiques ancestrales.
En effet, le montage vidéo présenté a été réalisé à l’aide d’un logiciel de 3d temps réel servant originellement à la réalisation de jeux-vidéos. Celui-ci, détourné à des fins expressives et artistiques nous a permis de réaliser un petit parcours visuel interactif montrant le fonctionnement de l’installation lumineuse.